Notes sur le Western
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Mythe et réalités des gens du bétail, "CATTLE BARONS" et "COWBOYS"

Qui sont les "Cattle barons" et quelle est leur idéologie ?

Les rivalités entre grands propriétaires font l'objet de nombreux westerns, tels "Duel in the Sun" de King VIDOR (1947), "Ten Wanted Men" de Bruce HUMBERSTONE (1955), "The Big Country" de William Wyler (1958), "El Dorado" d'Howard HAWKS (1967), qui constituent quelques jalons dans cette problématique dont les ingrédients sont toujours :
- soit le contrôle de points d'eau (puits, rivière);
- soit l'attribution du bétail pacagé dans des espaces mal définis;
- soit l'opposition personnelle entre les chefs de ce qu'il faut bien appeler des "clans", au mieux des "familles" - la différence entre ce deux termes consistant en la présence au non du sentiment qu'ont les cow-boys engagés dans le ranch d'appartenir à un groupe qui se sentirait globalement concerné par une prospérité "commune" (1).

Les Westerns de cette catégorie sont souvent très manichéens dans la mesure où les "bons" et les "mauvais" sont clairement désignés, sur la base de critères qui confondent souvent "éducation" ou "bonnes manières" - bref "civilisation" -, et honnêteté; nous songeons, entre autres, au "Major" (Charles BICKFORD) qui, dans "The Big Country" de William WYLER en 1958, n'hésite pas à organiser des expéditions punitives contre le clan de son ennemi personnel, le "sauvage" Rufus (Burl IVES).

La plupart de ces ranchers sont des personnages "imposants", à la forte personnalité. Ils ont généralement édifié leur domaine à la force du poignet - et du colt -, se battant tantôt contre les Indiens ou les bandits (souvent Mexicains), tantôt contre les intempéries - principalement la sécheresse, ce qui imposait le contrôle des points d'eau. Ils se trouvent peu à peu à la tête d'un territoire plus ou moins vaste qu'ils ont "pacifié". Ces hommes peuvent être très durs si leur survie et celle de leur "oeuvre" en dépend; dans des moments où tout pourrait être perdu, les uns recourent à la force tel John WAYNE dans "Red River" d'Howard HAWKS (1948), alors que d'autres essayent au moins la Loi comme Randolph SCOTT dans "Ten Wanted Men" de Bruce HUMBERSTONE (1955). Les uns n'hésitent pas à utiliser des hommes de main pour récupérer leur bien ou pour s'opposer aux rivaux que constituent les fermiers, les autres se défendent au mieux contre d'autres tueurs - qui dans l'un et l'autre cas travaillent généralement en solitaire tels Jack PALANCE dans "Shane" de George STEVENS (1953) et John WAYNE au début de "El Dorado" - que le rival malhonnête leur envoie; à remarquer la subtile nuance et son implication morale selon qu'on agresse ou qu'on se défend !
Certains "Cattle Barons" créent leur propre monnaie, comme T.C. Jeffords (Walter HUSTON) dans "The Furies" d'Anthony MANN (1950), dont l'action est située au Nouveau-Mexique vers 1870.

La tactique la plus courante pour ruiner le voisin est l'attaque du troupeau et sa dispersion dans le but d'en empêcher la vente, seule source de revenu, comme dans "Ten Wanted Men"; on peut aussi l'éloigner d'un indispensable point d'eau comme dans "The Big Country".

Les petits propriétaires sont souvent obligés d'hypothéquer leurs parcelles et certains perdent ainsi, légalement, leur bien au profit d'un grand voisin qui était leur créancier; cette assimilation de parcelles ne se fait pas souvent de manière fort élégante, principalement lorsqu'il s'agit de cultivateurs "absorbés" par les éleveurs. Pour résister aux pressions de ces derniers, les fermiers doivent s'organiser comme dans "Shane" et certains clôturent leurs parcelles au moyen de barbelés comme dans "The Man without a Star" de King VIDOR en 1955 et particulièrement dans "Saddle the Wind" de Robert PARRISH en 1958. Ce dernier film approfondit quelque peu le problème qu'il pousse jusqu'à l'absurde dans la mesure où le meurtre d'un candidat cultivateur par Tony Sinclair (John CASSAVETES) amène le propriétaire de la vallée (Donald CRISP) à décider de clôturer ses pâturages pour punir la famille du tueur, ainsi privée de pacages ! Or, Tony avait justifié son acte contre ce fermier et "son sale fil de fer avec lequel il va nous ruiner", en proclamant : "J'ai prouvé que j'étais capable de me battre pour défendre la Liberté de nos pâturages", confirmant ainsi l'appréhension du vieil éleveur lorsqu'il disait "Ce sont la violence, les fils barbelés."; il avait ainsi poussé son souci de Justice jusqu'à aider - en vain - un Commandant de l'armée nordiste à s'établir comme cultivateur sur l'ancienne terre de son père, alors que ce nouveau venu se proposait d'y placer des barbelés avec tous les problèmes que posent cet acte : "C'est son Droit, dit Deneen, et je défendrai son Droit", lequel s'appuie sur un acte de propriété en bonne et due forme que Sinclair avait suggéré au Yankee d'encadrer, parce qu'il le jugeait inutile dans les mains de ce candidat fermier dans ce monde où le bétail est roi. Sa décision marque donc bien une mentalité de respect du Droit.

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La richesse du "cattle baron" : le troupeau.

Dans "The Wind" (SJÖSTRÖM, 1928), dont l'époque de l'action n'est hélas pas datée, Lige peut vendre des chevaux sauvages à 3 dollars par tête. Dans "Undefeated" d'Andrew McLAGLEN (1969), un ex-colonel nordiste (John WAYNE) organise la fourniture de chevaux frais pour l'armée de Lincoln, mais doit bientôt traiter avec les Mexicains.

Toutefois, il s'agit le plus souvent de troupeaux de boeufs pour la consommation, tant pour l'armée comme dans "Alvarez Kelly" d'Edward DMYTRYK en 1965 dont l'action se situe pendant la Guerre de Sécession, que pour l'alimentation des villes de l'Est comme dans "Red River" de HAWKS en 1949, « The Tall Men » de WALSH en 1955 ou "Cowboy" de Delmer DAVES en 1958 dont le scénario était particulièrement centré sur les problèmes posés par ces lents voyages (2).

"The Rare Breed" d'Andrew McLAGLEN (1966) raconte comment, en 1884, une Anglaise (Maureen O'HARA) vient au Texas avec un taureau Hereford, dans le but de créer une race de synthèse avec les Longhorns; elle y arrivera avec l'aide d'un rancher d'origine écossaise (Brian KEITH) et un cow-boy (James STEWART). Le sujet avait déjà été traité auparavant (cf. WESTERN AURUM, p.298).

Des charrois de bétail à la manière traditionnelle sont encore organisés, sinon par utilité économique, au moins en guise de distraction pour citadins fatigués qui s'y ressourcent; c'est ce que nous montre avec humour et nostalgie "City Slickers" de Ron UNDERWOOD en 1991 (3).

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NOTES :


1. Ont été consultés : "Cattle in the Cold Desert" de James A. YOUNG et B. Abbott SPARKS, publié en 1985 par UTAH STATE UNIVERSITY PRESS, qui explique l'organisation du ranch, et "The Last Cowboys: Closing the Open Range in Southeastern New Mexico, 1890s-1920s" de Connie BROOKS chez UNIVERSITY OF NEW MEXICO PRESS en 1993 qui, à l'occasion de la fin de la grande époque des ranchs, nous fournit des renseignements complémentaires.

2. Cf. Joseph G. McCOY : Historic Sketches of the Cattle Trade of the West and Southwest. KANSAS CITY, 1874 ; 427p.

3. Pour une vision globale, lire Richard W. SLATTA : The Cowboy Encyclopedia.W.W. NORTON & Co, 1996 ; 476p.

4. Leur vie quotidienne est évoquée dans les "Mémoires" de Raoul WALSH {"Un demi-siècle à Hollywood", CALMANN-LEVY, 1976 ; pp. 33-43} qui la vécut brièvement au début du siècle. Jai consulté consulté avec intérêt "Cowboy Culture: A Saga of Five Centuries" de David DARY publié en 1981 {jutilise l'édition de 1989 par UNIVERSITY PRESS OF KANSAS}, "Le cow-boy: Un Américain entre le mythe et l'histoire" de Philippe JACQUIN publié par ALBIN MICHEL en 1992 et "The Cowboy Hero" de William W. SAVAGE Jr de 1979 {jutilise la troisième impression de 1986 à UNIVERSITY OF OKLAHOMA PRESS}.

5. SAVAGE, op. cit. ; chronologie pp. 165-166.

6. Je recommande « The Negro Cowboys » de Philip DUNHAM & Everett L. JONES publié par UNIVERSITY OF NEBRASKA PRESS en 1983, ainsi que « The Black West » de William Loren KATZ dont jutilise la 3d edition publié par OPEN HAND PUBLISHING en 1987.

7. Charles John KIESKALT : The Official John Wayne Reference Book. CITADEL PRESS, 2d edition 1993 ; p.152, question 10.

Fermiers contre "cattle barons".

Particulièrement intéressant est, bien entendu, "Shane" de George STEVENS en 1953.

Autres usagers.

Il faut aussi rappeler le problème des moutons qu'on retrouve notamment dans "Montana" de Ray ENRIGHT en 1950 et dans "The Sheepman" de George MARSHALL en 1958. Il est intéressant de remarquer que dans "Proud Rebel", réalisé également en 1958 par Michael CURTIZ, l'action est située dans le Sud Illinois où le grand propriétaire (Dean JAGGER) qui tente de s'accaparer une petite ferme dotée d'un point d'eau et tenue par une femme (Olivia DE HAVILLAND) élève précisément des moutons ! ce qui constitue la situation inverse de celle que l'on enregistrait au Montana, il est vrai fort éloigné...

Tous, petits et grands, se réclament ainsi de leur Liberté, mais ces groupes sont contradictoires et les éleveurs devront s'incliner devant les fermiers, et en leur sein les "gens du boeuf" devant les "bergers", avec l'aide de la Loi.

Les cow-boys.

Leur travail peut n'être que saisonnier et consiste alors le plus souvent dans la conduite de troupeaux de bufs (4).
Les scénarios de "Red River" de HAWKS en 1949, de "The Tall Men" de Raoul WALSH en 1955 - qui raconte un premier grand exploit de ce genre, totalement imaginaire néanmoins puisque situé en 1866 et qu'ils ont effectivement débuté en 1867 (5) -, et de "Cowboy" de Delmer DAVES en 1958 sont particulièrement centrés sur les problèmes posés par ces lents voyages, que nous retrouvons dans "The Culpepper Cattle Co" de Dick RICHARDS et dans "The Cowboys" de Mark RYDELL, deux films réalisés en 1972 et qui présentent l'aspect d'un parcourt initiatique pour un jeune garçon (Gary GRIMES) dans le premier, pour un groupe d'écoliers dans le second, comme il l'est encore en 1991 dans "City Slickers" de Ron UNDERWOOD où un vendeur quadragénaire d'espaces publicitaires pour une radio (Billy CRISTAL) retrouve une raison de vivre auprès à la fois des siens... et d'un jeune veau auquel il a donné naissance, grâce aux brèves conversations qu'il a eues avec un vieux cowboy (Jack PALANCE), un des derniers exemplaires de cette "espèce en voie de disparition".

Le film de l'acteur-réalisateur Noir Mario VAN PEEBLES, "Posse" (1993) rend un hommage appuyé aux quelque 8.000 cow-boys Noirs qui ont parcouru l'Ouest mais sont ignorés tant des livres d'Histoire que des films hollywoodiens (6). Le propos n'est pas illustré; le scénario s'articule en effet autour de la défense d'une ville utopique de Noirs par le fils de son fondateur contre le Ku-Klux-Klan, en 1898; il est constitué par le récit contemporain d'un garçonnet témoin des faits à un groupe de journalistes Noirs, ce vieillard étant incarné par un ancien interprète de John FORD, Woody STROODE ex-"Sergeant Rutledge" et ex-compagnon de John WAYNE dans "The Man Who Shot Liberty Valance".

"The Cowboys" de RYDELL présentait déjà en 1972 un cuisinier Noir, nommé Jebediah Nightlinger (Roscoe Lee BROWNE), accompagnant au long des 400 miles du voyage (7) les adolescents engagés par John WAYNE.
Le film de Clyde WARE "Bad Jim" (1990) raconte l'histoire de trois cow-boys qui, en 1881, deviennent hors-la-loi par lassitude d'un métier qui ne rapporte rien; l'un d'eux est Noir (Richard ROUNDTREE).

Une image récente est celle de Conagher (Sam ELLIOTT), héros dun téléfilm réalisé en 1991 par Reynaldo VILLALOBOS daprès un sujet de Louis LAMOUR; la quarantaine, daspect ordinaire, sachant tirer mais considérant quun homme est fou de tuer sil peut faire autrement, il est dabord consciencieux dans son travail et fidèle à qui le paye, il aime boire un coup et peut se battre, mais surtout il est sans attaches. Il rencontre une femme (Katherine ROSS) dâge moyen dont le mari est parti acheter du bétail et ne rentrera pas sétant tué avec son cheval; il faut plusieurs mois à ce non-héros pour accepter lidée de se ranger avec cette veuve et ses deux enfants. Cest, en quelque sorte, le cow-boy au quotidien, sans aucun rapport avec limage traditionnelle donnée dans les westerns, mais assez proche de ce que nous donnent les textes et les photos dépoque. Il faut toutefois avouer que ce téléfilm, quoique agréable à voir, est moins divertissant que ceux dont nous avons déjà parlé; comme quoi, les gens ordinaires nont pas dhistoire ! Louis LAMOUR a introduit dans son récit un problème de voleurs de bétail, mais celui-ci reste obscur et on sent que ces péripéties nétaient pas son intérêt premier.

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(page créée mercredi 15 août 2001)